Les handicapés sont-ils des citoyens de seconde zone ?
2011-06-07 09:16:35.39
Le 8 juin, le gouvernement réunit, en présence du président de la République et de nombreux ministres, la deuxième conférence nationale du handicap, afin, notamment, de dresser un bilan des conditions de vie de près de 10 millions de français. Les discours de satisfaction des pouvoirs publics et les attentes fortes exprimées par les personnes handicapées, dont les conditions d'existence restent discriminantes, risque de présenter un décalage important et être source d'une forte déception.
La loi du 11 février 2005 sur la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, malheureusement peu connue du grand public, constitue une des grandes lois que la République ait adoptée ces dernières années. Une année de débat au Parlement avait été nécessaire pour adopter ce texte de compromis, comportant virtuellement de profondes avancées pour les personnes handicapées mais, au-delà, pour tous les citoyens.
Force est de constater que cette loi s'est heurtée, de plein fouet, aux conservatismes de notre société et aux lobbies de tout poil ! Et voilà, l'industrie du tourisme qui nous assure de la ruine économique si le principe généralisé d'accessibilité devait s'appliquer réellement au secteur. Et voici, l'éducation nationale qui, au prétexte d'assurer une partie du financement des auxiliaires de vie scolaire, refuse de payer sa contribution au fonds d'insertion des personnes handicapées. Bref, au lieu de chercher les moyens de faire avancer l'égalité réelle, on a laissé prospérer et se multiplier les attaques en règle. Dès lors, il ne faut pas s'étonner que les relations entre les associations de personnes handicapées et les pouvoirs publics se soient tendues ces derniers mois au gré de l'adoption de textes régressifs : remise en cause de l'obligation d'accessibilité, vision purement comptable de l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés, désengagement de l'Etat de la politique d'emploi des travailleurs handicapés…
DISCRIMINATIONS
Trois ans après la première conférence nationale, on ne peut que dresser un triste bilan de l'application des annonces et des promesses qui avaient été faites. La politique nationale du handicap ne parvient pas à sortir la majorité des personnes handicapées de leur statut de "citoyens de seconde zone". Si le handicap fait peut-être moins "peur" aujourd'hui, il n'en reste pas moins que le quotidien des personnes handicapées ne s'est globalement pas amélioré. Des milliers d'enfants handicapés restent exclus des écoles publiques de leur quartier. Discriminées, les personnes handicapées le sont aussi pour accéder à un emploi, le taux de chômage étant de manière constante deux fois supérieur à celui du reste de la population. Un accident ou une maladie en cours de carrière professionnelle se traduit encore trop souvent par un licenciement pour inaptitude et la spirale de l'exclusion ; sans oublier tous ceux qui, ne pouvant travailler du fait de leur handicap ou de leur état de santé, perçoivent une allocation qui, même revalorisée, les confine sous le seuil de pauvreté.
Le rendez-vous très formel que constitue la conférence nationale du handicap peut-il être alors de nature à rassurer les personnes handicapées ? Au-delà des discours, les éventuelles annonces devront surtout être mises rapidement en œuvre et reposées sur des engagements financiers inscrits dans les prochaines lois de finances, pour permettre, par exemple, dès la prochaine rentrée scolaire une meilleure intégration des élèves handicapés ou pour redonner au chantier de la mise en accessibilité non pas une ambition catégorielle, mais bien universelle, dans le contexte d'une France vieillissante. Sortons donc le débat sur la politique du handicap d'un cercle d'initiés, et surtout donnons aux personnes handicapées la possibilité de devenir des citoyens à part entière. En cette période pré-électorale, l'enjeu pour le gouvernement n'est pas mince, les personnes handicapées et leurs familles représentant plusieurs millions de personnes.
Article original sur Le Monde
Retour sur Rencontre-HandicapLe chômage des handicapés progresse malgré un effort accru des entreprises
2011-06-06 09:04:04.843
Alors que la Conférence nationale du handicap s'ouvre mercredi, l'Agefiph dresse un bilan contrasté : le renforcement de l'obligation d'emploi s'est révélé efficace, pas assez cependant pour éviter une augmentation du chômage des handicapés en 2010.
Des progrès, mais doit mieux faire. C'est le constat que l'on peut dresser de la loi Chirac de 2005 en matière d'emploi, à deux jours de la Conférence nationale du handicap. Comme le montre le bilan 2010 de l'Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées), la mobilisation des entreprises s'est accrue, mais n'a pas empêché la progression du chômage des handicapés.
Point positif : le renforcement de l'obligation d'emploi a porté ses fruits. La surcontribution applicable aux entreprises ne faisant aucun effort pour atteindre les 6 % d'emploi de handicapés dans leurs effectifs est entrée en vigueur l'an dernier. En 2008, 23.600 établissements étaient à « quota zéro ». Ils n'étaient plus que 10.721 à fin 2010, soit 21 % des entreprises concernées. « Cela a fonctionné au-delà de nos espérances », se félicite Pierre Blanc, le directeur général de l'Agefiph.
Autre point à noter, la hausse des interventions de l'agence. Grâce aux surplus de cotisations liées à la réforme de 2005, elle a financé un plan de soutien limitant l'impact de la crise sur ce public fragile. L'an dernier, les interventions de maintien ou de création d'activité ont dépassé les 100.000, en hausse de 19 %. 109.000 actions de formation ont été menées, en augmentation de 13 %. Le réseau Cap emploi, spécialisé dans l'insertion professionnelle des handicapés, a pour sa part contribué à l'embauche de 62.386 personnes (+ 19 %).
Malgré tout, la situation des handicapés s'est dégradée en 2010. En 2009, leur chômage avait progressé deux fois moins vite que la moyenne (+ 8,3 % contre + 18,2 %). Mais, en 2010, ça a été l'inverse. Leur nombre de demandeurs d'emploi a crû plus de deux fois plus vite (+ 11,2 % contre + 5,1 %). Et leur taux de chômage est le double de la moyenne, à 19,3 %, du fait à la fois du manque de mobilisation des entreprises mais aussi d'un manque de qualification.
Dans le secteur privé sans accord spécifique, le taux d'emploi réel en équivalent temps plein des handicapés était de 2,6 % en 2008, dernière année connue. La fonction publique est à 3,1 % pour l'Etat, la Sécurité sociale et La Poste, 4,8 % dans les hôpitaux et 4,9 % dans les collectivités locales.
Collecte en baisse
Comme le reconnaît la ministre des Solidarités, Roselyne Bachelot, « beaucoup reste à faire ». L'exercice ne sera pas facile du fait de la baisse des moyens de l'Agefiph. La collecte va revenir à 585 millions d'euros en 2011 (- 50 millions) et à 490 millions en 2012. C'est en soi une bonne nouvelle : si les entreprises paient moins, c'est qu'elles font plus. Mais, dans le même temps, l'Agefiph devra faire face à des dépenses supplémentaires transférées par l'Etat, notamment le financement du marché conclu avec l'Afpa sur la formation ou la gestion de la déclaration obligatoire annuelle des entreprises.
Article original sur Les Echos
Retour sur Rencontre-HandicapBethany Hamilton, l'incroyable surfeuse handicapée
2011-06-03 17:10:10.703
Il y a huit ans, Bethany Hamilton se faisait dévorer un bras par un requin. Aujourd'hui, malgré son handicap, l'américaine de 21 ans réussit à défier les vagues, rivalisant avec l'élite du surf réunie en France jusqu'à dimanche. Elle assure que c'est « sa foi » qui l'a sauvée.
En cet après-midi d'entraînement sur la plage des Bourdaines à Seignosse, les violents rouleaux de l'Atlantique rejettent tous les quarts d'heure Bethany Hamilton vers le rivage.
Mais à chaque plaquage de l'océan, la surfeuse américaine de 21 ans court, les cheveux blonds dans le vent, sur le sable mouillé et s'en retourne à l'eau pour défier et dompter, avec un sourire Colgate, les déferlantes hexagonales. Replonger, c'est un réflexe presque vital chez elle. En 2003, quand un requin tigre de plus de 4 m lui arrache le bras gauche sur son île natale de Kauai à Hawaï et lui fait perdre 60% de son sang, il lui faut moins d'un mois avant de repiquer une tête et de remonter sur une planche. Cette force de la nature est l'une des vedettes de la Swatch Girls Pro, étape des Championnats du monde de surf féminin qui a démarré mercredi et s'achève dimanche à Hossegor. A chaque fois qu'elle fait son « take off » (décollage), qu'elle se met debout pour conquérir le sommet de la vague, elle offre un incroyable numéro d'équilibriste sur sa planche tatouée d'une méduse. Son handicap ne lui confère aucun traitement de faveur. « Je ne mérite aucun passe-droit », assène-t-elle. L'unique différence avec les autres concurrentes : une poignée qui lui permet de retenir son surf quand elle passe sous la vague. Le plus difficile pour elle, c'est de ramer jusqu'à la déferlante. Elle y arrive.
Dans le milieu des top-surfeuses, elle est très respectée. « C'est une compétitrice dangereuse, personne ne la veut dans sa série. Elle est bien dans son corps et dans sa tête. Elle est courageuse, hyper-volontaire et heureuse de vivre », encense son amie Pauline Ado, 20 ans, numéro un française. Aujourd'hui, Bethany, du haut de son mètre quatre-vingts, se situe environ au 25e rang mondial.
Cette fille-là a le surf dans la peau. « Mes parents, passionnés par ce sport, m'ont mis sur une planche avant même que je ne sache marcher. » A 4 ans, elle s'illustre lors de son premier concours. A 8 ans, on lui offre sa première planche personnalisée. « Elle était de couleur bleue, avec une tortue dessinée », se souvient-elle. Gamine, elle rêvait d'être « chanteuse ou surfeuse pro ». « Comme je n'avais pas une bonne voix, j'ai choisi le surf », confie-t-elle. Mais à l'âge de 13 ans, ce 31 octobre 2003, elle est victime d'un squale, un épisode tragique de son existence qu'elle ne raconte plus aujourd'hui dans le détail, lassée par des centaines d'interviews outre-Atlantique. « Cet accident, c'est la volonté de Dieu, je l'accepte », concède-t-elle. Trois mois après le drame, elle reprend la compétition, bluffant toute une Nation qui l'élève instantanément au rang d'héroïne. Elle ne cesse de répéter que c'est « la religion, sa foi, Jésus Christ » qui l'ont sauvée.
Elle prie tous les jours et « pas seulement avant une compétition ». Et n'éprouve aucune haine à l'égard des gros poissons à aileron. « Je ne suis pas du tout en colère contre les requins. En surfant, on vient un peu les embêter dans leur environnement. Je ne fais pas de cauchemar de mon accident, je le vis désormais très bien », jure la demoiselle à la plume d'Indien en guise de boucle d'oreille. Elle positive. A outrance? On a du mal à croire que cette survivante n'a jamais été au creux de la vague. Ce qui est sûr, c'est qu'elle a un moral d'acier, dépassant, sans la moindre rancune, « les quelques moqueries dans son dos ».
Elle réussit tout ce qu'elle entreprend. Enfin presque. « J'aimerais pouvoir jouer du ukulélé, la guitare hawaïenne. C'était ma deuxième passion avant l'accident », précise-t-elle. En surf, elle vise à long terme la place de « number one ». Après avoir vaincu la vague géante de Pipeline à Hawai — 10 m de haut —, elle est bien capable d'atteindre d'autres sommets. « C'est difficile, mais c'est possible », se motive-t-elle dans la langue de Molière qu'elle veut parler couramment d'ici quatre ans. Et de déclarer sa flamme à notre pays. « J'adore la France, ses plages, ses vagues, son chocolat. »
Article original sur Le Parisien
Retour sur Rencontre-HandicapGB : des actes de torture dans un centre pour handicapés
2011-06-02 19:07:00.015
Un reportage diffusé mardi par la BBC montre des patients physiquement et verbalement agressés par leurs soignants. Une pensionnaire y est même poussée au suicide. Quatre personnes ont été arrêtées.
Des patients frappés ou injuriés. Une autre traînée sous la douche alors qu'elle est habillée. Filmées par un reporter du magazine britannique Panorama, ces images ont été diffusées mardi soir par la BBC. Elles ont été tournées dans un centre pour handicapés situé à Hambrook, près de Bristol, au sud-ouest de l'Angleterre. Elles témoignent de mauvais traitements dont ont été victimes plusieurs patients.
Embauché comme assistant soignant, un journaliste de ce programme d'investigation a filmé, en caméra cachée, dans le centre privé de Winterbourne View. Cet établissement héberge des adultes ayant des difficultés d'apprentissage, des autistes et des handicapés mentaux. Le tournage a duré pendant 5 semaines, en février et mars.
Les images du reportage, disponibles sur YouTube, montrent notamment une patiente de 18 ans, Simone, insultée et arrosée d'eau froide par des soignants qui l'aspergent de savon. La scène se répète deux fois dans la même journée. La jeune fille, qui souffre d'un problème génétique, oppose cette phrase au traitement qu'on lui impose : «C'est froid maman». Dans une autre scène, Simone est conduite à l'extérieur. Alors que la température est glaciale, un soignant lui jette de l'eau froide sur la tête. Les parents de Simone, en pleurs, ont témoigné dans le programme télévisé, expliquant que leur fille leur avait confié avoir été frappée mais qu'ils ne l'avaient pas crue «parce que c'est interdit».
D'autres images montrent un soignant intervenant après qu'une patiente a tenté de se suicider en franchissant une fenêtre au deuxième étage. «Vas-y, fais-le maintenant que je suis là, tu vas t'envoler», lance-t-il à la patiente, en pleurs. «Quand tu vas toucher le sol, tu crois que tu vas faire un plat ou un splash ? Tiens, je vais maintenir la fenêtre ouverte». «Il s'agit d'une institution thérapeutique. Où est la thérapie ? Je dirais que c'est de la torture», a réagi dans l'émission un psychologue, Andrew McDonnell.
13 employés suspendus
L'émission Panorama a pris la décision de filmer en caméra cachée après avoir été saisie par un ancien infirmier du centre, indigné par le comportement de ses collègues. Ce soignant, Terry Bryan, avait alerté des dirigeants de l'institution en octobre 2010, puis la Commission de contrôle de la qualité des soins (CQC), chargée d'inspecter les établissements de santé, en décembre, sans succès.
Première conséquence de la diffusion du reportage, trois hommes de 42, 30 et 25 ans et une femme de 24 ans, soupçonnés de mauvais traitements, ont été arrêtés puis relâchés sous caution en attendant l'issue d'une enquête policière. La CQC a présenté ses excuses pour n'avoir pas agi aussitôt. Paul Burstow, secrétaire d'État en charge des personnes âgées, a demandé que l'inaction de la CQC fasse l'objet d'une enquête. Le ministre a aussi demandé des contrôles dans d'autres structures similaires au centre concerné.
Quant à la société privée en charge du centre, Castlebeck, elle a suspendu 13 employés et annoncé un audit interne dans ses 56 centres, qui accueillent 580 patients. Son directeur général, Lee Reed, a déclaré pendant l'émission avoir honte de ce qui s'est passé et a aussi présenté ses excuses.
Article original sur Le Figaro
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