Interview de Marcel Nuss, défenseur de l'assistance sexuelle pour les personnes handicapées
2010-11-23 09:56:26.906
Marcel Nuss est l'un des défenseurs de l'assistance sexuelle pour les personnes handicapées et, à travers les actions du CHS, œuvre pour qu'il soit légalisé en France. Il répond aux propos de Maudy Piot qui s'insurge contre cette pratique.
Handicap.fr : Avez-vous pris connaissance de la lettre de Maudy Piot, présidente de FDFA (Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir) qui s'insurge contre l'assistance sexuelle ?
Marcel Nuss : Oui, et je regrette d'en avoir pris connaissance de manière fortuite, d'autant que Maudy Piot m'implique de façon indirecte. Ce n'est pas très élégant. Je me suis empressé de lui répondre dans la foulée. Sa lettre est un ramassis de contrevérités et de mensonges.
H : Maudy Piot vous reproche de ne pas avoir invité son association au colloque qui aura lieu le 26 nov. 2010 à Paris sur le thème « Handicap, Affectivité, sexualité, dignité ». N'avait-elle pas sa place ?
MN : Je ne suis pas l'organisateur, et je ne me suis donc pas soucié des intervenants. Mais je suis tombé des nues car à aucun moment son association n'a émis le désir de dialoguer sur cette question alors que nous avons rencontré par deux fois des représentants du mouvement du NID (contre la prostitution). Je ne suis pas du genre à refuser le dialogue, pas plus que les membres de CHS (Collectif handicaps et sexualité). Je pense que toute mauvaise foi n'a jamais fait avancer aucune cause, aussi juste soit elle. Et aucune cause ne peut satisfaire tout le monde. C'est cela la démocratie !
H : L'assistanat sexuel peut-il être assimilé à de la prostitution ?
MN : Non. La prostitution ce sont des passes de 10 minutes, des branles et des pipes pour 80 euros ! Nos accompagnants sexuels, eux, consacrent en moyenne une heure et demie à chaque personne par le biais de massages, d'attentions et, parfois seulement, de relations sexuelles. Ils se feraient bien plus d'argent avec des clients traditionnels. Ils ont été formés pendant un an aux spécificités et besoins particuliers des personnes handicapées. Le « rapport sexuel » n'est pas leur métier à plein temps. Ils sont rémunérés une centaine d'euros par séance, environ quatre fois par mois. 400 euros par mois, vous croyez vraiment qu'ils font cela pour de l'argent ?
H : Il y a néanmoins des prostituées parmi les accompagnants sexuels ?
MN : Assez peu. J'en connais une qui est encore en activité et une autre qui a arrêté depuis longtemps et qui s'implique parce qu'elle l'a choisi. Si elles font ce choix ce n'est pas pour l'argent mais par sensibilité !
H : Maudy prétend qu'elle concevrait ce principe si les accompagnants étaient bénévoles...
MN : Je connais suffisamment Maudy pour me dire que ce n'est pas elle qui a tenu ce genre de discours prôné, notamment, par le NID, et qui me laisse profondément songeur et interrogatif...
H : Elle évoque la situation dans d'autres pays. Qu'en est-il ailleurs ?
MN : Les accompagnants sexuels en Suisse romande ne relèvent plus de la prostitution, ils ont désormais un statut particulier car la spécificité de leurs services a été reconnue. Prétendre que la Suède et la Norvège sont exemplaires en matière de politique du handicap, c'est soit méconnaître les dysfonctionnements et les manquements que l'on rencontre aussi dans ces pays, soit avoir un discours partisan. Aucun pays n'est exemplaire en quelque domaine que ce soit, et Maudy Piot le sait très bien.
H : Pensez-vous que les détracteurs de l'assistance sexuelle tiennent un discours réactionnaire ?
MD : J'ai l'impression de me retrouver dans les années 70, lorsque Simone Veil (une femme !) s'était battue pour légaliser et encadrer le droit à l'avortement et à la contraception. Il ne s'agissait pas d'amener toutes les femmes à avorter mais d'éviter la souffrance de certaines. Pour moi, il ne s'agit pas d'imposer l'accompagnement sexuel mais d'offrir la possibilité d'en bénéficier à ceux qui le demandent, et ils et elles sont de plus en plus nombreux aujourd'hui. Il n'est pas « la » réponse aux souffrances affectives et sexuelles mais « une » réponse.
H : Dans ce cas pourquoi ne pas le proposer à tous ceux qui sont dans une grande solitude affective, comme les prisonniers et bien d'autres encore ?
MN : C'est encore une fois l'un des arguments du NID. Mais pourquoi pas ? Je suis persuadé que dans 30 ou 40 ans, on y arrivera. La misère affective et sexuelle en France est terrible, et touche également les femmes. Trois millions de personnes vivent seules. Le problème pour les personnes handicapées, c'est que certaines n'ont pas les moyens physiques de se masturber car elles sont coupées de leur corps.
H : Et pouvoir se masturber ou avoir des relations sexuelles, c'est indispensable ?
MN : Evidemment ! Une abstinence contrainte peut rendre fou ! C'est une immense souffrance, à la fois physiologique, à cause du refoulement, mais aussi psychologique. Alors que fait Maudy Piot, qui pourtant défend le droits des femmes, de toutes ces mères qui, en désespoir de cause, masturbent leur enfant ?
H : L'abstinence peut donc engendrer de la violence ?
MN : Oui, bien sûr. Cela a été démontré de façon formelle, notamment dans le cas de certaines maladies mentales. Grâce à l'accompagnement sexuel, cette violence disparaît. J'ai vécu cela de 20 à 23 ans. Je me souviens dans quel état j'étais : agressif, dur à vivre...
H : Vous défendez donc une loi qui légaliserait l'accompagnement sexuel en France ?
MN : Oui. Je ferai tout pour défendre non « une loi à part, une loi indigne » mais une loi citoyenne et démocratique qui proposera une dérogation, une exception, sans pour autant être la porte ouverte à une légalisation de la prostitution et du proxénétisme.
Article original sur handicap.fr
Retour sur Rencontre-HandicapRencontre avec un jeune pianiste handicapé qui débute une tournée mondiale
2010-11-22 08:22:05.031
MUSIQUE - Il joue avec ses orteils...
En voilà un qui ne joue pas comme un pied. Liu Wei, le jeune pianiste chinois sans bras révélé par l'émission Incroyable talent en Chine, s'apprête à partir en tournée mondiale pour présenter son art de jouer avec les orteils.
Le jeune homme a perdu accidentellement ses deux bras à l'âge de dix ans. Pour accomplir les tâches de la vie de tous les jours, il a besoin d'aide, mais il a appris à jouer seul du piano dès l'âge de 5 ans. Il consacre jusqu'à sept heures par jour à son art.
«Pas différent des autres»
«J'ai l'impression que je ne suis pas différent des autres. J'ai perdu mes deux bras, mais je peux quand même faire ce que j'aime. Je suppose que c'est ce que les autres apprécient à mon sujet», a déclaré le virtuose. Jimi Hendrix jouait bien de la guitare avec ses dents, et d'autres ont appris à le faire avec leurs pieds.
Liu Wei a acquis une notoriété mondiale grâce aux vidéos de ses exploits qui ont circulé sur Youtube et les réseaux sociaux. Sa tournée, dont les détails ne sont pas encore connus, le mènera notamment à Paris, à Vienne, à Hong Kong et à Taipeh.
Article original sur 20minutes
Retour sur Rencontre-HandicapRencontre avec une lycéenne handicapée désirant devenir infirmière
2010-11-19 10:07:47.812
Dans quelques années, LéaGouverneur, lycéenne âgée de 17 ans scolarisée à Saint-Brieuc, pourrait bien être la première infirmière sourde en Bretagne. Ou plutôt, sera; car sa détermination est impressionnante.
Elle fait preuve d'une détermination à la hauteur de son beau et large sourire. De ce genre de sourire qui convainc un interlocuteur en moins de deux secondes. «C'est Léa qui a fait tout le travail», confie Bénédicte Sauer, directrice d'«Osons l'égalité», association qui aide des jeunes souffrant d'un handicap à bâtir un projet professionnel.
"Vivre ma vie"
Face à la motivation de la jeune fille, lors d'un entretien au printemps, la responsable des infirmières à l'hôpital de Saint-Brieuc n'a pas hésité longtemps. Malgré son handicap, elle lui a proposé un stage de deux jours dans le service de gastro-entérologie. Puis, pendant les vacances de la Toussaint, la rencontre avec le Dr Ridoux, responsable de l'unité d'accueil de personnes sourdes au CHU de Ponchaillou à Rennes, d'une aide-soignante, d'une psychologue et d'une conseillère en économie sociale et familiale, toutes trois souffrant de surdité, a été déterminante: «Elles m'ont encouragée à vivre ce que je voulais vraiment faire et elles m'ont dit que j'y arriverai. Pour le reste, j'avais une idée assez précise des contraintes, de la pénibilité du métier d'infirmière. Cela m'a aussi permis de me rendre compte que j'aime bien l'ambiance de l'hôpital», confie Léa.
Elle a appris seule à lire sur les lèvres
Une Léa qui a toujours pris son destin en main:«Depuis toute petite, j'ai appris à lire sur les lèvres, toute seule. Par ailleurs, depuis que j'ai un implant, j'entends mieux les bruits autour de moi; avant, quand j'avais une prothèse, je n'entendais pratiquement rien». Pour autant, la jeune Pordicaise sait que son parcours sera semé d'embûches. «Je ne me fais pas de souci pour le bac et le concours d'entrée à l'école d'infirmières car elle travaille et a beaucoup d'énergie», assure Bénédicte Sauer; «mais, durant sa formation, elle sera, sans doute, amenée à travailler dans certains services au rythme intensif où les gens se parlent vite et ne prendront peut-être pas toujours le temps de lui parler en face. Il faut être sûr que Léa entende bien tout. Dans certaines unités, c'est essentiel pour le confort des patients mais aussi leur vie».
«J'y arriverai»
«Je sais qu'il y aura des obstacles. Il faudra peut-être, dans mon parcours professionnel, privilégier des secteurs d'activité plus doux, plus calmes comme celui des personnes âgées, le lycée ou exercer en libéral. Mais il n'y a pas de raison que je n'y arrive pas», affirme Léa qui a décidé d'apprendre le langage des signes, afin de pouvoir communiquer avec des personnes sourdes. «Je réussis bien à l'école, pourquoi pas dans la vie active? C'est ce que j'ai dit à mes parents quand, après la seconde, je leur ai annoncé que je voulais devenir infirmière, assure la jeune fille, et puis, à Ponchaillou, les trois professionnelles sourdes que j'ai rencontrées m'ont affirmé qu'elles sont plus attentives aux réactions des patients qu'à leurs oreilles». De toute façon, quoi qu'il arrive, Léa a décidé d'être à l'écoute des autres: «J'aimerais bien, aussi, travailler pour une association humanitaire».
Article original sur letelegramme.com
Retour sur Rencontre-HandicapRencontre avec le quotidien des handicapés visuels lors d'un petit-déjeuner à l'aveugle
2010-11-18 10:12:15.546
Dans le cadre de la Semaine du handicap au travail, une cinquantaine de personnes ont expérimenté un petit-déjeuner à l'aveugle mardi à Cognac. Une expérience troublante, plus efficace qu'un discours.
Le noir absolu. Pas un rai de lumière. Perte de la vue, perte des repères. «Dirigez-vous dans la salle, asseyez-vous sur une chaise», dit la GO. D'une simplicité anodine. Sans les yeux, ces gestes simples deviennent angoissants. Effleurer le mur du bout des doigts pour trouver la porte. Avancer. D'un pas. Un seul, hésitant. Buter contre une table. Trouver de l'aide. «Vous avez une chaise devant vous. Asseyez-vous.» Trouver le dossier, le siège. Tâtonner. S'asseoir dans le bon sens. Bien écouter. Se concentrer. Trouver les verres. Ne pas les renverser, dans ce noir absolu qui rend la dizaine de cobayes maladroits.
Quand la fraise devient pêche
Perte de la vue. Tous les sens sont troublés. L'homme aussi. Porter le verre aux lèvres, sans l'avoir renversé préalablement. «C'est comestible.» Devoir donc faire confiance à cette aide dont on se sent 100 % dépendant.
Suite de l'expérience: sentir pour définir. Le citron, facile. La cacahuète, plus dur. Trouver, pour cette dégustation à l'aveugle, ce que l'on boit. Pour certains, le sirop de violette devient jus de fruit bas de gamme. La soupe de tomate froide un breuvage indéfini. Le jus de fraise du jus de pêche ou d'abricot. Le toucher permet de sauver la face: facile de reconnaître le kiwi, la noix, la salade.
Cette expérience, une cinquantaine de personnes l'ont vécue mardi matin à Cognac, dans les locaux de Cap emploi et du Service d'appui pour le maintien dans l'emploi des personnes handicapées (Sameth) Charente. Un petit-déjeuner d'aveugle pour une journée de sensibilisation dans le cadre de la Semaine du handicap au travail. La veille à Ruelle, les salariés de DCNS s'étaient prêtés à un apéro à l'aveugle et un parcours avec obstacles dans le noir.
"L'oeil, c'est 90% de notre perception"
À Cognac, il y avait des représentants de collectivités, des associatifs, des représentants d'entreprises telles que Martell, Véolia, Schneider Electric. Tous voyants, sans handicap. Le temps d'une expérience, ils se sont retrouvés dans la peau d'un aveugle. Privés de leur vue. «Et l'oeil, c'est 90 % de notre perception. Il vous reste donc 10 %», explique une permanente du Sameth.
Ce quart d'heure expérimental valait tous les discours de sensibilisation. «C'est la meilleure réponse aux questions que l'on peut se poser, estime Mélanie Gerbeau, ergonome dans une entreprise de matériel médical de Soyaux. ça répond vraiment à toutes les questions.» Référent handicap à la CFTC, salarié de Terreal, Jean-François Roulon s'est retrouvé bien démuni sans ses yeux. «C'est impressionnant. Pour le goût et l'odorat, je n'ai rien retrouvé.»
Marquer les esprits, c'était l'objectif de Cécile Porcher, Audrey Duverneuil et Virginie Thorin du Service d'appui pour le maintien dans l'emploi des personnes handicapées en Charente. Mardi, le thème du jour était donc le handicap visuel. La cécité totale, mais aussi tous les troubles de la vision qui peuvent rapidement s'avérer handicapants. Rétinopathie diabétique, cataracte, vision tubulaire... Des troubles qui peuvent transformer la vie d'un salarié en enfer.
Christian Mesmin, responsable sécurité des Pépinières charentaises à Montemboeuf, est venu témoigner devant les invités de la façon dont son entreprise a surmonté le handicap de l'une de ses salariés. Une opératrice de saisie, affectée par une perte de la vision à partir de 2005. «Elle faisait de plus en plus d'erreurs. Au départ, ses collègues l'ont couverte.» Les erreurs se sont multipliées. En 2008, plus possible de masquer la réalité. Bilan visuel dans un premier temps. Diagnostic précis. «En août 2009, le médecin du travail nous a informés de la nécessité d'aménager son poste de travail.»
Des solutions de bon sens et high-tech
Virginie Thorin, pour le Sameth, a étudié la situation. Des petits rien ont tout changé. Une caméra avec écran permet à l'opératrice de lire ces signes minuscules qu'elle ne voyait plus. Un clavier à grosses touches, une lampe de bureau spécifique, des rideaux qui filtrent la lumière et atténuent la luminosité. «Tout a été financé par l'Agefiph (1) après étude du dossier», dit Christian Mesmin. Aujourd'hui, l'opératrice a pu conserver son poste dans une entreprise au sein de laquelle elle travaille depuis trente-cinq ans. «Alors qu'à un moment, nous envisagions de nous en séparer, reconnaît Christian Mesmin. Elle-même se demandait si elle allait continuer car le temps passait et les difficultés s'accumulaient.»
Dire, affirmer avec force et démontrer que le handicap n'est pas obligatoirement synonyme d'exclusion du monde professionnel. En une matinée, Cécile Porcher et ses partenaires ont fait découvrir les solutions qui permettent de venir en aide aux salariés frapper par ces troubles. «Et oeuvrer sur le maintien dans l'emploi, c'est la priorité. À mon avis, c'est plus simple que de retrouver un emploi», estime Jean-François Roulon, conquis par les différentes expériences et les solutions technologiques désormais disponibles. Des objets high-tech en qui on peut avoir confiance... les yeux fermés.
Article original sur charentelibre.fr
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