Pourquoi les journalistes parlent bizarrement... affaire à suivre - idylive -
2013-02-25 07:34:34.925
TELEVISION - Qui ne s'est pas déjà énervé en écoutant France Info ou Europe 1, TF1 ou M6 contre les intonations artificielles des journalistes? «20 minutes» a cherché à comprendre pourquoi ils et elles parlent si bizarrement parfois…
Mais pourquoi certains journalistes télé et radio s'expriment-ils avec ces intonations trop marquées, ce phrasé peu naturel, ces respirations et reprises de souffle artificielles? Pour comprendre d'où sourdent ces voix si mécaniques, 20 Minutes a interrogé les formateurs des spécialités télé et radio des écoles de journalisme, eux-mêmes souvent journalistes.
Les écoles de journalisme ne formatent pas les voix
«Ce n'est pas nous!», s'exclame Eric Schings, responsable de la spécialité TV du Cuej (Centre universitaire d'enseignement du journalisme). Je n'ai jamais demandé à un intervenant de faire en sorte que la voix des élèves à la fin d'une formation sonne comme ci ou comme cela. Nous n'avons du reste pas le pouvoir de formater des étudiants, on ne les a pas entre les mains suffisamment longtemps!» Son homologue au CFJ (Centre de formation des journalistes), Olivier Siou, confirme. «On leur explique au contraire qu'il faut sortir du lot, avoir une voix identifiable. On lutte contre les stéréotypes d'expression, comme les "bref une affaire à suivre", autant que contre les manies de faire des phrases descendantes, cette espèce de façon de faire retomber sa voix en fin de phrase.» Même combat chez Marlene Anconina-Mazaud, la consultante voix et expression orale de l'ESJ (Ecole supérieure de journalisme). «C'est ma guerre, résume-t-elle. Mais j'ai l'impression d'être Don Quichotte et de me battre contre des moulins à vent».
A «Sept à Huit» on laisse «les phrases en l'air»
Elle aussi peine à trouver la provenance de ce qu'elle qualifie «d'intonations ridicules, de modulations dont se sont emparés les amuseurs». Si ce n'est pas pendant leur formation, où les journalistes télé et radio prennent-ils l'accent? «J'ai peur qu'il y ait des demandes des chaînes, avance Marlène Anconina-Mazaud. Quand je réentends des étudiants qui avaient de belles qualités vocales à l'école dix ans plus tard laisser par exemple leurs phrases en l'air comme cela se fait dans Sept à Huit, je trouve ça terrible. Car le problème est que cela décrédibilise le fond».
C'est pas moi c'est le producteur
Pourtant, elle nuance aussitôt cette responsabilité des diffuseurs ou des producteurs d'émission: «J'ai donné des cours dans beaucoup d'endroits, un jour je me suis retrouvée devant des journalistes de M6. Je les écoute et je leur dis: s'il-vous-plaît ne faites pas cela, c'est ridicule, personne ne parle comme cela. Ils me disent "mais c'est les producteurs qui nous le demandent". Comme je savais que le producteur était dans le coin, je suis allée le chercher, et il leur a dit: "mais jamais de la vie, c'est eux qui croient qu'il faut faire ainsi car ce sont des espèces de modulations historiques!"»
La voix M6 plus que le ton RTL
«Historiques» ou du moins passées dans les voix courantes. «Je pense qu'il y a une question de mimétisme, assure Olivier Siou. C'est une espèce de retour du refoulé, lorsqu'ils arrivent dans les rédactions, les étudiants pensent que pour faire pro, il faut faire ce qu'ils estiment être comme tout le monde. Et «comme tout le monde», selon Cécile Varin, formatrice à l'EJT (Ecole de journalisme de Toulouse), «c'est beaucoup la culture M6 dans leur génération. Il y a une question de background, les étudiants ont en tête des voix. Il se trouve par exemple qu'ils ont très peu de culture vocale de la radio. Si je prends une dépêche que je leur dis lisez-la moi en style M6, ils y arrivent parfaitement. Si je leur dis faites-la moi en RTL, impossible. Cela joue aussi dans le type d'intonation qu'ils vont prendre».
Les accents bientôt à l'honneur
Olivier Siou estime, toutefois, que «cela va changer»: «Avec le ronronnement imposé par les chaînes infos, ceux qui vont se distinguer seront ceux qui ne sont pas interchangeables. Je le vois à France Télévisions où on valorise par exemple, désormais, les accents».
Difficile donc de comprendre comment on arrive à des résultats parfois si comiques. Mais Cécile Varin tient à ce qu'on ne se moque pas trop vite. « Le travail sur la voix est quelque chose de très compliqué. Le naturel demande beaucoup de travail. Le naturel finalement c'est de la convention, c'est du théâtre mais un vrai faux naturel, mais c'est très fragile, cela peut basculer. En dehors des vraies caricatures de grosses voix qui font du suspens artificiel, souvent lorsque le ton énerve, c'est juste que l'exercice est raté!»
Alice Coffin
Source : http://www.20minutes.fr/societe/1107031-pourquoi-journalistes-parlent-bizarrement-affaire-a-suivre
Retour sur Rencontre-HandicapEn amour, pourquoi a-t-on besoin de s'afficher en public ? - idylive -
2013-02-24 05:25:00.595
Question posée le 23/02/2013 à 10h45 par
Rue89
La réponse de
Renée Greusard
23/02/2013 à 10H46
Parce que souvent ils aiment bien parler en sigles, les Américains appellent cela des PDA, soit des « Public Display of Affection ». En français, ça donne « démonstration d'affection en public » ou, si on est plutôt d'humeur à désapprouver la chose, « exhibition d'affection en public ».
Entrent dans cette catégorie tout un tas de situations, plus ou moins gênantes pour qui les observe :
se tenir la main ;
s'embrasser ;
se faire des câlins ;
se caresser délicatement (ou pas) le visage de l'autre ;
se frotter devant tout le monde (pire que tout).
Se bisouter en public ou pas : c'est culturel
Ce sont des choses dont on est parfois témoin dans le métro. Vous savez ? Cette cool situation où un couple s'embrasse goulûment à deux centimètres de votre visage, alors que la rame est bondée.
Dans le monde, on s'embrasse dans 90% des cultures. Mais selon son pays d'origine, il est plus ou moins accepté de témoigner de l'affection à son conjoint en public.
Sénégalo-française, je me rappelle d'un étonnement que j'ai eu jeune. Dans la rue, à Dakar, les couples sénégalais ne s'embrassaient jamais. Dans ma famille, je n'ai d'ailleurs jamais vu mes tantes embrasser leurs maris, ou mes oncles embrasser leurs femmes.
On pourrait penser que les PDA sont un phénomène typiquement occidental. Mais c'est faux. Aux Etats-Unis, par exemple, donner un rapide baiser à son conjoint n'est pas choquant, en revanche le galocher ou jouer au collé-serré en public, ça ne passe pas très bien. En tous cas, beaucoup moins bien qu'en France.
Sur internet, des tas de vidéos américaines suivies de commentaires offusqués, montrent ainsi des « PDA ». Exemple avec celle-ci :
Les PDA font donc jaser les Américains. Autant dire que quand c'est le Président, en personne, qui se laisse aller à une telle démonstration d'affection, les bavardages sont encore plus intenses.
En juillet dernier, Barack Obama avait embrassé sa femme, Michelle Obama, pendant un match de basket et ce baiser avait été retransmis sur « l'écran géant des bisous ».
Un truc de fou pour beaucoup de journaux anglo-saxons qui en avaient carrément fait des articles (suivis par quelques rares confrères français). C'est assez drôle d'imaginer cette situation transposée en France et les titres qu'on pourrait lire alors :
« François Hollande embrasse Valérie Trierweiller pendant un match de foot. »
On sait pourquoi on s'embrasse. Guillemette Faure, ex-journaliste à Rue89, l'avait très bien expliqué en 2008 dans cet article où elle relatait les résultats d'une étude sur le sujet.
En résumé c'est :
pour sélectionner son partenaire, la bouche étant pleine d'infos (« goût, odeur, informations sur notre état de santé ») ;
pour « établir un lien » et le renforcer ;
pour augmenter ses chances d'avoir des relations sexuelles.
Marquer son territoire
Voilà qui est dit. Maintenant pourquoi a-t-on besoin d'afficher son amour en public ?
Parce que ça prend comme une envie de faire pipi, et qu'on n'est incapable de se retenir, pour marquer son territoire parfois, ou encore parce qu'une fois qu'on a donné l'habitude à l'autre de l'embrasser, c'est compliqué d'arrêter.
A ces explications évidentes s'ajoute désormais celles d'une étude d'une chercheuse américaine : Maria Servedio. Biologiste en évolution à l'université de Carolina du Nord, Chapel Hill, elle a observé que les animaux monogames, comme certains oiseaux, étaient aussi friands de DPA.
Elle a déclaré au magazine scientifique anglais Live Science :
« C'est assez évident qu'on a besoin d'être démonstratif pour attirer un partenaire. En revanche, une fois que vous l'avez déjà conquis pourquoi devriez-vous vous enquiquinez à continuer de l'être ? »
Des affichages amoureux qui exposent aux prédateurs
Son questionnement était d'autant plus grand que ces affichages, pas du tout discrets, exposent les animaux à leurs prédateurs.
En se basant sur les résultats de différentes études précédentes, la chercheuse à constaté qu'en réalité, ces comportements sont souvent liés aux progénitures.
En effet, dans les espèces monogames, les couples réussissent mieux à élever des petits que les « individus » isolés.
Souvent d'ailleurs, deux oiseaux en couple parviennent à éduquer plus de deux petits, tandis que le zozio seul ne parvient à en éduquer qu'un seul à la fois.
Les espèces monogames auraient donc tout intérêt à être en couple, à le rester et à le faire savoir.
Maria Servedio écrit donc que ces démonstrations qui se produisaient d'abord au moment de la constitution des couples « ont évolué » pour perdurer après la mise en couple.
« Elles stimulent le partenaire et augmentent son niveau d'investissement dans l'éducation des petits. »
Selon une autre chercheuse américaine, du Colorado cette fois-ci, on peut imaginer un même mécanisme chez l'être humain. Sauf que chez ce dernier, les différences culturelles et sociologiques brouillent un peu les pistes.
Source: http://www.rue89.com/rue69/2013/02/23/en-amour-pourquoi-t-besoin-de-safficher-en-public-239960
Retour sur Rencontre-HandicapPréparer un marathon sans courir, méthode bluffante mais pas magique - idylive -
2013-02-23 17:35:17.637
Le marathon. Un cauchemar de ceux pour qui courir un simple jogging est déjà une aberration. Quarante-deux kilomètres à manger.
Quand un coureur amateur en vient à bout, après trois ou même quatre heures de foulées, il peut être satisfait – le record du monde est détenu par un Kényan, Patrick Makau. Il l'a couru en deux heures et trois minutes.
Vu l'effort à accomplir, on se dit que pour s'y préparer, il vaut mieux courir fréquemment avant le jour J. Michel Delore, journaliste, coureur et auteur de « Courir le marathon », le confirme :
« Il faut s'aménager trois séances de course par semaine, d'une durée comprise entre une heure trente et deux heures.
Et de temps en temps, toutes les trois semaines, courir trois heures en alternant marche et course, ce qu'on appelle de la “rando-course”.
Ce n'est pas l'avis de Brian MacKenzie. Ce triathlète et coach américain fait parler de lui aux Etats-Unis avec sa méthode, le “CrossFit Endurance” (CFE) ou l'endurance par le CrossFit, dont Rue89 vous parlait déjà il y a un an.
Avec cette méthode, le futur marathonien ne court jamais de longues distances pour préparer ses 42 kilomètres. Et Brian MacKenzie promet des performances améliorées en vitesse et en endurance.
“Ce mec est payé pour entraîner ?”
Dans le milieu des coureurs, certains accusent l'homme d'être un clown. Sur LetsRun.com, un forum de runners, les internautes se moquent de lui et trouvent ses idées “hilarantes”.
“WOW. Ce mec est payé pour entraîner des gens ? Oh mon dieu !”
L'intéressé dit sa méthode révolutionnaire. En quoi consiste-t-elle donc ? A s'entraîner moins longtemps mais plus durement.
En janvier, dans un article rédigé à la première personne, le journaliste américain Christopher Solomon a raconté dans le magazine Outside son test de la méthode.
Il a fait des “windsprints”, c'est-à-dire qu'il a couru très très vite sur de petites distances comme dans cette vidéo :
il a fait des pompes ;
il a soulevé des haltères ;
il a balancé un poids dans tous les sens et au-dessus de sa tête, presque comme la dame dans la vidéo ci-dessous :
Il a fait des abdos ;
et puis, il a fait des enchaînements de mouvements étranges dit aussi “burpees” en anglais, comme ça :
Moins de temps à s'entraîner mais des séances plus intensives donc, c'est le leitmotiv de Brian MacKenzie.
“J'étais un junkie des longues distances”
Solomon raconte un séminaire avec le coach :
“Il commence par dire : ‘Avant, j'étais un junkie des longues distances.' Il se tient devant nous comme s'il était à une réunion d'alcooliques anonymes et qu'il se confessait.”
Pour défendre sa méthode, MacKenzie a des arguments forts et simples. Courir régulièrement sur de longues distances entraîne selon lui blessures, ennui et perte de temps.
De fait, à la fin de son entraînement et de son marathon, le journaliste Solomon écrit qu'il a franchi la ligne d'arrivée sans une seule blessure, alors même qu'il ne courait plus de marathons justement parce qu'il se blessait trop.
Nouvelle preuve de succès : pendant ce marathon, Solomon n'a même pas connu ce que les coureurs appellent “le mur” – au milieu de la course généralement, le corps ne veut plus courir. Impossible de continuer.
Solomon a finit son marathon en 3h39
Enfin, le journaliste a fini sa course en 3h39, ce qui était son record personnel.
Brian MacKenzie a lui aussi des faits à exposer pour défendre sa méthode. En 2007, il a couru un ultra-marathon très effrayant. Le Angeles Crest 100 est un trail de 161 kilomètres. Pour se préparer à cette folie, Brian MacKenzie n'a couru “que” 20 km par semaine, plus ou moins. Il a surtout passé six heures par semaine à faire des exercices. Le jour J, il était 34e sur 89 coureurs, et il se sentait très bien.
Des études vont dans le sens de sa méthode. En 2006, des chercheurs de l'université de McMaster à Ontario ont fait une expérience. Ils ont divisé un groupe de 16 hommes en deux.
Le premier groupe devait faire du vélo d'appartement a une vitesse modérée, pendant deux heures, six fois en deux semaines ;
Le second groupe devait faire des sprints de trente secondes dans des séances qui duraient quinze minutes.
Au final, les chercheurs ont été surpris de constater que les progrès en terme d'endurance, effectués par chacun des deux groupes, étaient très proches. Ce qui amène l'un des chercheurs à déclarer aujourd'hui :
“Ce qui était fou dans cette étude, c'est qu'elle montrait que pour améliorer vos performances d'endurance, vous n'aviez qu'à faire des sprints.”
“Panne d'essence” : le corps ne veut plus
Il n'y a pas de conte de fées : la méthode ne fonctionne pas pour tout le monde. Robin Clevenger, une coureuse confirmée, raconte l'une de ses pires performances au journaliste Christopher Solomon. En 2009, elle suivait la méthode CFE et elle a eu comme une panne d'essence pendant une course :
“Après une heure et demie – ce qui était la durée maximum de mes courses d'entraînement – mon corps m'a dit : ‘Tu sais, c'est terminé, là'.”
La méthode révolutionnaire n'a pas fonctionné pour elle. Au téléphone, Michel Delore s'exclame :
“Brian MacKenzie, il est bien gentil, mais il n'a rien inventé non plus. Les gens qui se préparent au marathon passent déjà du temps en salle, à faire du gainage notamment. On appelle d'ailleurs ça la préparation physique général (PPG).”
Le journaliste spécialiste du marathon juge qu'une répartition différente du temps d'entraînement est plus judicieuse.
“Pour s'entraîner à un marathon, il faut passer trois quarts du temps de son entraînement à courir, et le reste peut, en complément, être du renforcement musculaire, du gainage, etc.”
Enfin, il y a tout de même un gros inconvénient à la méthode MacKenzie : que fait-il du plaisir ? Quand on court, on se promène, on écoute de la musique parfois, on réfléchit, on s'absente. Ressent-on ces mêmes sensations d'évasion en salle de gym ? J'en doute. D'ailleurs Solomon raconte comment il a terminé son test :
“En s'octroyant une longue, lente et délicieuse excursion.”
Source : http://www.rue89.com/rue89-sport/2013/02/23/preparer-un-marathon-sans-courir-methode-bluffante-mais-pas-magique-239836
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Retour sur Rencontre-HandicapPortraits : ils ont quitté la ville pour vivre à la ferme - idylive -
2013-02-23 07:13:50.306
22 février 2013, par Soren Seelow
Paysans des villes, la tentation du retour à la terre
Ils étaient chimiste, coiffeuse ou agent immobilier... ils élèvent désormais des vaches, des cochons et des chèvres. On les appelle les "hors cadre familial". Face au déclin démographique de la population paysanne, ces jeunes agriculteurs assurent la survie de nombreuses petites exploitations. Nous sommes partis à leur rencontre dans le Gers, les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques.
Dans une ferme du Gers. © Antonin Sabot / LeMonde.fr
"Il y a cinq ans, je n'avais encore jamais vu de cochon." Les bottes ancrées dans la boue, Nicolas Soisson déverse un mélange de petit lait et de céréales dans les mangeoires. Un grognement tonitruant traverse l'air humide de l'hiver gersois. En bas de la pente, six énormes porcs de 200 kilos s'élancent, traversent leur parcelle à vive allure et plongent le groin dans la mixture.
Rien ne prédestinait cet ingénieur en chimie de 36 ans, parisien, fils de médecins généralistes, à se retrouver un jour à la tête d'une exploitation agricole. Après des études de chimie à Montpellier, un doctorat à Belfast et un post-doctorat à Baltimore, Nicolas Soisson travaillait il y a encore six ans dans un laboratoire pharmaceutique au Mans. Il gagnait 30 000 euros par an. Sa femme Véronique, ingénieur comme lui, faisait carrière dans les cartes à puces.
A l'aube de leurs 30 ans, la vie des deux ingénieurs bascule. Le couple, qui vient d'avoir une petite fille, s'interroge. Leur réussite sonne creux. Leur vie de famille s'étiole dans les trajets quotidiens. Le couple a un nouveau projet de vie : il produira désormais du fromage de vache bio et élèvera des cochons.
Nicolas Soisson apporte à manger à ses porcs dans son exploitation de Troncens, dans le Gers. © Antonin Sabot / LeMonde.fr
LES "HORS CADRE FAMILIAL"
La reconversion inattendue de ce jeune couple dépasse le simple cadre de l'aventure humaine. Nicolas appartient à une catégorie de nouveaux paysans devenue cruciale pour la survie de nombreuses petites exploitations : on les appelle les "hors cadre familial". Ces jeunes agriculteurs, qui ne reprennent pas l'exploitation de leurs parents, ont souvent vécu en ville, travaillé comme employés, et n'ont pour certains qu'un lien très lointain avec le travail de la terre (1).
Pendant huit ans, Angélique Abadie-Couture a coupé, coloré, permanenté des chevelures dans différents salons de coiffure. Cette jeune mère de famille était alors loin de s'imaginer qu'elle se retrouverait un beau matin de février agenouillée dans la paille à tenir la pince du vétérinaire appelé en urgence pour pratiquer une césarienne sur une de ses chèvres.
Angélique Abadie-Couture donne du foin à ses chèvres à Ossun, dans les Hautes-Pyrénées. © Antonin Sabot / LeMonde.fr
De son passé de coiffeuse, cette jeune agricultrice de 28 ans ne retient qu'une vague impression d'ennui : "Je n'étais pas épanouie. Je ne faisais qu'attendre les week-end." En 2008, elle décide de rompre son dernier CDI. Elle passe le brevet professionnel responsable d'exploitation agricole (BPREA), une formation necéssaire pour bénéficier des aides à l'installation, puis suit un stage chez un chevrier. En février 2009, elle vide son livret A (1 500 euros) pour acheter 28 chevrettes d'un mois et deux boucs, vend sa Peugeot 206 pour construire sa première salle de traite et emprunte 80 000 euros pour financer les bâtiments et la fromagerie.
Trois ans après son installation, la jeune mère de famille continue de dépendre des revenus de son mari, les 35 heures ne sont qu'un lointain souvenir et elle n'a plus ni week-end ni vacances. "Mais je suis plus libre aujourd'hui. J'ai la satisfaction de maîtriser toutes les étapes de mon projet, de la traite à la vente des fromages au marché ou sur mon site Internet".
UN RÉSERVOIR STRATÉGIQUE
Si le nombre d'installations d'agriculteurs a chuté de moitié au cours des quinze dernières années (voir graphique), la part des "hors cadre familial" n'a, elle, cessé de progresser. Ces nouveaux paysans représentent aujourd'hui le quart des quelque 10 000 installations annuelles de jeunes agriculteurs, dont ils constituent un réservoir stratégique.
La chute de la natalité et l'absence de vocations dans les familles paysannes ne permettent plus de freiner le déclin de la population agricole : en Midi-Pyrénées, 60 % des exploitations sont dirigées par des agriculteurs de plus de 60 ans, parmi lesquels seuls 32 % ont un successeur. "Même si tous les enfants d'agriculteurs s'installaient, il n'y en aurait pas assez pour reprendre toutes les exploitations", résume-t-on à la chambre régionale d'agriculture.
Evolution du nombre d'installations aidées en midi-Pyrénées de 1991 à 2011
Seuls deux départs en retraite sur trois sont aujourd'hui compensés par de nouvelles installations. Les exploitations sans repreneur partent à l'"agrandissement", rachetées par de plus grandes, et participent à l'uniformisation des campagnes et de la production. Entre 2000 et 2010, 26 % des exploitations ont ainsi disparu du paysage français. C'est ce qui a failli arriver l'an dernier à la parcelle de Jacques Balesta, 77 ans, qui s'apprêtait à partir en retraite sans repreneur après des années de recherche infructueuse.
C'est finalement un agent immobilier venu de la ville, Nicolas Maleigh, qui reprendra son exploitation dans les Pyrénées-Atlantiques. Le jeune homme a alors 31 ans, "le moment d'être autonome". Il plaque son emploi et pose ses valises entre Urdos et le plateau de Lhers. Il repense entièrement l'exploitation pour se lancer dans une niche : le lait de jument et d'ânesse biologique. Il le fournit à des laboratoires de cosmétiques et vend lui-même ses gellules, réputées pour soigner les problèmes de peau, sur les marchés. Comme Angélique, Nicolas a une approche globale de son projet, qui s'est traduite par la création d'un atelier de transformation et d'un site Internet pour la vente directe. Après quelques mois d'activité, il est encore en observation, mais pense que son premier exercice sera équilibré.
Les juments de Nicolas Maleigh en estive dans les Pyrénées.
Malgré les difficultés inhérentes aux métiers de la terre, le taux d'abandon des jeunes agriculteurs, tous profils confondus, demeure raisonnable comparés à d'autres secteurs. Cinq ans après leur installation, 88 % des jeunes agriculteurs bénéficiant d'une aide ont pérennisé leur projet (le taux de réussite est cependant quatre fois moindre pour les installations non aidées, qui représentent près de 40 % des projets).
UNE "VISION INNOVANTE" DE L'AGRICULTURE
Dans une étude de juin 2011 sur la diversité du monde agricole, le ministère de l'agriculture s'est intéressé aux singularités de cette nouvelle population, qui pourrait constituer 30 % des agriculteurs en 2020. "De par leur passé, les hors cadre familial font plus que véhiculer des visions innovantes du monde de l'agriculture : ils le transforment de l'intérieur, constate le rapport. Ils s'établissent sur des surfaces moyennes plus petites, s'orientent vers des niches de production, comme l'agriculture biologique, et assurent souvent eux-mêmes la transformation et la vente directe."
Christophe Masson à côté d'un de ses bœufs mirandais dans son exploitation à Beaumarchés, dans le Gers. © Antonin Sabot / LeMonde.fr
A la différence des repreneurs d'exploitations conventionnelles, héritiers de décennies d'agriculture intensive, ces nouveaux paysans sont souvent porteurs d'une vision très personnelle de leur nouveau métier. Passés par la ville, ils ont été consommateurs avant d'être producteurs. De son expérience citadine, Christophe Masson, technicien des hôpitaux militaires pendant dix ans à Toulon, a ainsi gardé une profonde aversion pour la malbouffe et une approche "environnementaliste" du travail de la terre.
A 38 ans, ce citadin a décidé de s'installer sur les terres de son grand-père maternel, celles où il passait ses week-end enfant, dans le Gers. "On a repris un désert agricole", résume-t-il. Le jeune homme se lance dans l'élevage de races locales (vaches mirandaises, porcs noirs de Bigorre, oies de Toulouse, poules noires de Gascogne…) menacées de disparition par le développement de l'agriculture intensive. A travers une approche agro-écologique, il recrée l'écosystème de son grand-père, mais se défend de toute tentation passéiste.
Membre du réseau "slow food", il incarne une vision de l'agriculture à taille humaine, centrée sur la qualité de la viande, le bien-être animal et la préservation de l'environnement. Ses 25 vaches paissent sur pas moins de 50 hectares de prairie, une anomalie dans le paysage gersois, qui fut un des premiers à moderniser son agriculture. "Quand on est passé par la ville et qu'on voit la merde qu'on y mange, on ne peut pas avoir envie de la produire", résume-t-il.
(1) Selon les premiers résultats d'une étude sur les installations "hors cadre familial" à paraître cette année, un "hors cadre" sur deux n'a aucun lien avec le monde agricole, "ni parents, ni grand-parents, ni oncles". Leur nombre serait par ailleurs en hausse depuis quelques années. Cette étude est pilotée par le syndicat des Jeunes agriculteurs, la Chambre d'agriculture et le Réseau rural français.
À propos de Soren Seelow
Après un début de carrière sur les rives du Tonlé Bassac, fleuve déconcertant dont le cours s'inverse deux fois l'an, au sein de la rédaction du regretté « Cambodge soir », j'ai rejoint en 2008 celle du Monde.fr. Ayant développé un tropisme marqué pour les sujets de société, j'ai entre autres réalisé un webdocumentaire sur la prison, « Le Corps incarcéré ».
Source : http://www.lemonde.fr/economie/visuel/2013/02/22/portraits-ils-ont-quitte-la-ville-pour-vivre-a-la-ferme_1834997_3234.html
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